Publié le 24/12/2013 à 03:51, Mis à jour le 24/12/2013 à 07:36 | 23
Ariège

Jean Souque montre sa lettre de révocation affichée à la maison du chemins de la liberté à Saint-Girons. Il pourra maintenant exposer sa lettre de réintégration./ Photo DDM, P. Challier

Soixante-dix ans d’attente ! Jean Souque a patienté pendant soixante-dix ans pour être officiellement réintégré dans l’Éducation nationale après avoir été révoqué par le gouvernement de Vichy. Sa faute : préférer les forces combattantes françaises au Maroc plutôt que les mines de sel de Cracovie promises par le service du travail obligatoire (STO). «Je suis soulagé et fier que la vérité éclate enfin après soixante-dix ans d’attente», témoigne d’une voix claire l’ancien enseignant de Seix et Saint-Girons, aujourd’hui âgé de 94 ans. Le préfet de l’Ariège de l’époque avait révoqué le jeune instituteur de l’école de Seix qui avait choisi les chemins de la liberté. Depuis, Jean Souque portait cette révocation comme une souillure, une blessure dont on ne guérit jamais tout à fait. à son retour en Ariège, à la Libération, c’est le choc : «Lorsqu’elle m’a vu, ma mère est rentrée à la maison puis est ressortie avec une lettre : Tiens, voilà ce que tu as reçu lorsque tu es parti. Tu es révoqué ! Quel malheur ! Que vas-tu faire maintenant que la guerre est finie ?! m’a-t-elle dit. Mes parents n’arrivaient pas à comprendre que je sois sanctionné alors que j’avais fait mon devoir. Quelle faute avais-je commis ?»
Jean Souque a repris sa place à l’école de Seix. Il a accompli toute sa carrière d’instituteur pour terminer directeur d’école à Saint-Girons et même fait valoir ses droits à la retraite tout en étant révoqué ! Ubuesque. Restait cette souillure, cette amertume de ne pas se voir réintégré par l’Éducation nationale malgré un engagement exemplaire au service de la libération de la France.
C’était le 5 juillet 1943. Jean Souque, instituteur à Seix décide de quitter le Couserans et la France pour échapper au service du travail obligatoire (STO).
Avec René Bénazet, Paul Broué, Henri Camel, Albert Dougnac, il prend le chemin de la montagne surveillée par les Allemands. Après d’interminables heures de marche sous la pluie, dans le brouillard et le froid, ils passent en Espagne par la pale de Claouère. Ils sont arrêtés par la guardia civil. Direction Lerida et le Seminario viejo, une prison de triste réputation où croupissent les Républicains espagnols. En septembre, ils sont enfin relâchés. Jean Souque peut rallier l’Andalousie et Malaga avant d’embarquer pour le Maroc. C’est là-bas que Jean Souque rejoint les commandos parachutistes français. Un engagement combattant qui va le mener du débarquement en Provence jusqu’en Alsace puis l’Allemagne où il est grièvement blessé à la jambe. «C’était le 8 avril 1945. Après avoir libéré la France, on avait franchi le Rhin à Germersheim le 2 avril. à 5 heures, le deuxième commando de France auquel j’appartenais en tant qu’aspirant s’est engagé dans une nouvelle attaque militaire. Des combats durs, éprouvants… Blessé, j’ai failli y rester. Heureusement Auriac, mon lieutenant, était médecin. Il a ligaturé mon artère fémorale et m’a sauvé la vie. Ma blessure étant très grave, transporté d’hôpital en hôpital, j’ai terminé à Dijon, en octobre 1945» raconte Jean Souque. Cette blessure-là a guéri. La révocation, il ne s’en est jamais vraiment remis. Soixante-dix ans après, elle va enfin pouvoir cicatriser.